Art, Amour, Anarchie (2019)
Ce recueil de poésie-peinture a été mis en page de manière manuelle, à base de collage d'image et de texte.
Il a été imprimé en couleur et relié à la main avec un cordon ocre.
Prix : 15 euros
Commande : germa.liza@mailo.com
Quelques échantillons...
Le capitalisme autophage
​
Il a faim.
A l’image d’Erysichton, ce roi maudit tronçonneur du peuplier des nymphes,
Le Capitalisme finit par se dévorer lui-même tant il a faim.
Pas de fastes repas, non, il s’empiffre sans en voir la fin,
Plus de nymphes, seul du fast-food coule dans sa lymphe.
La jouissance est côté en Bourse, c’est la course à la dopamine.
L’hyperstimulation des plaisirs lamine
La sérotonine, source chimique du bonheur.
Il mène par le bout du nerf notre conscience,
Des secondes d’orgasme synthétique à répétition
Crée par le marché apprivoisant la science
Pour titiller nos circonvolutions.
Il a faim.
Cet être cupide a été élu à la majorité,
Lorsque les isoloirs sont devenus des supermarchés.
Il avale toute la nourriture qu’il peut trouver.
Quand il y en a plus, c’est Internet qui remplit son ventre
Pour faire de l’ennui l’orgie numérique de son épicentre.
Le monde virtuel le happe de façon systémique,
Cliquer de vidéos en sites d’info en vidéos s’intègre au système sympathique.
Le Capitalisme apathique a tellement faim
Qu’il invente des besoins,
Des objets, des bibelots à se mettre sous la dent.
Il a faim.
Il a tellement faim.
Qu’il a déjà mangé ses deux mains jusqu’à l’os,
C’est un ouroboros sans lendemain,
Il perd la tête, tourne en rond, se mord la queue,
Il devient fou : licencie pour créer des emplois,
Remplace les humains par des intelligences artificielles électrisées,
Elles-mêmes entrainées par d’autres humains exploitées,
Il réduit le nombre de soignants pour diminuer les malades,
Et embellit le vocabulaire à défaut de la réalité dans une perverse aubade.
Dans sa folie, il nous balade.
Il a faim, ça oui,
Mais après tous ces écocides
Arrivera son suicide.
Tu te selfishes
​
Aujourd’hui en observant le retard de mon train
Je te vois, jeune femme qui a comme passe-temps
De se prendre en photo avec un miroir
De mirer ton égo pour cacher tes déboires
De jouer à cache-cache avec la réalité
De miser sur qui aura la plus belle vie, le meilleur été
A mon avis, au jeu compétitif de qui paraitra le plus heureux
Le gagnant est en vérité le perdant.
Je m’explique.
​
L’accès au bonheur n’a pas besoin de mise en scène, il se trouve dans la fosse aux semblants
Stop aux faux semblants
Tu as l’air triste, l’air de n’avoir plus d’objectifs dès que tu ne te trouves plus devant celui de ton objet addictif,
Décore d’un piercing, tu as le nombril plus gros que les yeux cernés de mascara
Mascarade de fond de teint qui masque au fond que tu ne vas pas bien,
Faut pas que ça coule, car faut rester cool
Actrice de la triche, tu tentes d’embellir leur aperception de ton identité
Mais l’excès te happe au tout-à-l’égo d’un revers de snap.
Ici je ne blâme le selfie en tant que tel
Autoportrait de notre temps comme rite culturel
Le problème c’est la tyrannie des images comme référentiel social
Où on se tire par les cheveux par écrans interposés
Quête identitaire qui tait l’Être à vouloir trop paraître
Quelque part sur le net y’a une part pas très net de ton être
Prête à comparaître devant le tribunal du mal-être.
​
Tu seras pré-jugé si, malheur, tu montres le tien car
De un, tu le penseras exceptionnel
Ayant l’habitude de voir des sourires pour tout et rien
De deux, ton intimité se verra absorbé par le toile de l’altérité virale
On se harcèle, se ment, de balance de la haine,
La désintimité sur les réseaux souffre de l’effet Larsen
Ca crame jusqu’à l’oreille interne
Quand tu te selfishes toute la journée
Tu te contrefiche de l’annihlation de l’humain, la flore et la faune
Car pour vivre ensemble faut savoir poser son phone
Et, nuance, ne pas poser pour lui.
​
Tu ne vois qu’un coucher de soleil,
Et pourtant derrière toi, ce sont des bombes qui tombent du ciel
Vite vite, immortalise-toi, tape la pose avant qu’elles explosent.
Alarme écologiste
Tout autant que le politique, l’écologie ne doit pas être une question d’esthétique mais de survie.
Effondrement imminent.
Leur gestion de la civilisation est minée, elle désanime le Vivant, elle nit
L’alarme qui hurle, qui pourtant semble silencieuse dans le tintamarre des indignations.
T’en a pas marre de ces indignes nations
A la double-pensée décompléxée ?
Effondrement imminent.
A force d’effriter la biodiversité, ces boyaux vont devenir notre tombeau, pas vrai ?
L’alarme ne chante plus, ne bat plus des ailes, sa lumière s’amoindrit
Elle s’étouffe à l’oxyde de carbone, signe qu’il faut que tu t’enfuies.
Effondrement imminent.
Les masques à gaz de l’esbroufe dirigeante sont une mascarade
Juste un instrument de pouvoir faisant croire à une sacro-sainte invulnérabilité.
Aucun corps humains ne résistera à l’écrasement de la roche qui saisira sans embuscade.
Effondrement imminent.
La lutte déclasse les vainqueurs sur le podium des pollueurs-payeurs
Et se jette à corps rompus sur la transition faussement écologique
L’école des jurys est corrompue, c’est logique.
Effondrement imminent.
Tu deviens claustrophobe des œillères, ces fictions capitalistes auxquelles tu capitules,
Tu lèves les yeux pour entendre l’alarme face à l’inertie des capitales.
Avant qu’il ne soit trop tard, creuse-nous une sortie, et détales !
Crapahuter
​
Tes chevilles remises à niveau
C’est ni haut, ni bas, c’est juste le relief originel
Avant que ça ait commencé à bétonner sous nos semelles
Alors qu’avant ça crapahuter dans les sommets.
Cap ou pas cap de lutter avec ton corps ?
​
Tes chevilles qui titillent, tes pieds qui se cornent
Tes poumons qui s’étonnent d’en demander encore
Tes paumes à même l’écorce des branches
Ca débranche petit à petit l’égo, tu captes ?
Cap ou pas cap de respecter ses propres limites ?
De devenir joueur de réussites, plutôt que d’échec ?
Et matte ! Le chemin que t’as déjà parcouru.
​
Même si pour toi c’est pas courant de crapahuter,
L’envie c’est le carburant de l’Humanité.
Tes orteils s’agrippent dans le hors-piste
Tes oreilles se nourrissent du hors champs
Ces chants envoutant des montagnes qui te tannent
De grimper toujours plus haut, pour voir à quel point c’est plus beau
Loin des sentiers battus.
On sent que ça fait peut être des années
Que personne n’y a mis le nez.
​
Crapahuter à la verticale
Là où les arbres sont presque à l’horizontale
C’est pas mal, ça fait même du bien au fond des entrailles.
Cap ou pas cap de faire de la marche une activité ascétique ?
T’inquiète y’a pas de mauvais rythme.
Marche, crapahute, pousse-toi à sortir de ta hutte.
Sentir ton être qui mute
C’est honorer ton corps valide.
Ton dos s’étire et grandit,
Tes tripes s’équilibrent et vibrent,
Sacré trip d’être libre…
​
Pas toujours facile d’être confronter à sa faiblesse de citadine
Mais y’a pas de fatalité face aux faits qui blessent, qui minent,
Ya juste de la puissance à rééduquer,
Ya juste des circonvolutions à crapahuter
Et le mont Mental à escalader.
​
Des fables qui blessent
Sentez-vous les mots-cocards qui changent le regard
Les lèvres ouvertes à coups de bouche que l’on ferme de force.
Les torses repassés à coup de bâton puis de caresse,
Puis de bâton en liesse, puis de caresse en laisse…
L’amour peut être un appât qui se dresse,
Le son doux d’un appeau pyromane charmant les proies aux plumes inflammables.
Papa-triarcat l’a dit :
« Une femme se doit être aimable, un homme doit se battre pour être respectable »
Et gouverne-maman a acquiescé.
Pourtant ce couple pervers a été éduqué par les mêmes mères aux ailes carbonisées.
La violence systémique tient la main de l’intime
Et abime contre les murs les phalanges de ses victimes.
Il y a des hommes qui fracturent
L’estime de soi sous prétexte de payer les factures.
Trop de traumas qui entretiennent les brûlures
Trouble trépas quand l’emprise dure.
Nous espérons juste que cette époque soit charnière.
Sentez-vous les coups de poings s’extirper des ventres-charniers pour se lever à l’unisson ?
Car c’est le son des ADN extincteurs,
Des odes à la haine qui meure,
Des femmes-phénix sans gênes qui flambent
Des flammes sans oxygènes qui tremblent,
Des hommes qui éclairent sans brûler l’antre de l’autre.
Bref, des amours sains entre humains solidaires,
Des alliances solaires qui liquéfient l’air.
Aujourd’hui, on recolle les morceaux du vase brisé par ce « bouquet de nerf »
Foutons la frousse à ces fables qui fabulent la faiblesse des femmes,
Les clichés créent la réalité, nous sommes à leurs trousses chaque jour.
Les récits nous conditionnent, nous sommes les impasses qui se retroussent pour toujours.
Alors écrivons de nouvelles histoires sans princesses en détresse
Mais des sorcières qui transgressent,
Des princes qui fuient leurs destins de monarque
Des petits chaperons en rouge et noir plus malignes que le loup qui les marquent
Des barbes bleues, vengé par la sœur qui l’attaque,
Des femmes sans futiles larmes qui sonnent l’alarme
Quand il y a trop de mortes qui nous insupportent, écrivons,
Quand l’aorte se heurte dans les corps de nos sœurs, écrivons.
Pour transformer la réalité, écrivons des fables fortes où résistent les femmes,
Réapproprions-nous les feux de l’âme.
JC L’oiseau
Le pouce au vent
La tête en l’air
Les pieds sur terre
J’attendais ainsi au bord de ma destinée
Qu’un véhicule veule bien s’arrêter.
​
Un drôle d’oiseau freina
Et me proposa de m’emmener à cent kilomètres de là.
Je m’aperçus pendant le vol qu’il avait quelque chose en plus
Était-ce un supplément d’âme ?
Une trente-troisième dent pour croquer l’infâme?
Un troisième œil pour craquer la couche des apparences ?
Ou bien une seconde bouche pour claquer et dire tout de ce qu’il pense?
Un quelque chose en plus que ma raison ne sut décrypter
Un quelque chose en plus qui résonne comme une liberté.
​
Quelques observations et conversations plus tard
Je compris que ce qu’il avait en plus
C’était une aile en moins.
​
Un fatal accident de vol
Un acide manque de bol
Qui abîma cet être de plume
Le plongea dans les abymes
Un plumard pour un légume
Un cauchemar qui s’accoutume
Durant neuf mois
Neuf mois c’est long,
Sa pauvre mère allait le débrancher
Neuf mois, c’est rond
Ca lui rappelait sa gestation
Le neuvième mois, c’est le bon,
Pour mettre fin à l’attente vide.
Et pourtant ses amis se sont battus, me raconta-t-il
Pour maintenir le souffle de ce songe sans réveil
Qui ronge le rêve de la vieille
Déjà en route pour le dépotoir des espoirs.
Le désespoir échappa à la victoire
Lorsque l’oiseau se raviva
Lorsqu’il accoucha
D’une nouvelle vie démembré
D’un de ses attributs pour voler.
​
A l’hôpital, les experts insistèrent
A lui dire qu’il serait salutaire
De vivre uniquement sur terre.
​
Quatorze mois de rééducation après
Près à redevenir le sportif qu’il était
Enfin alléger de tout regrets
Il s’envola ainsi plus facilement
Participa même à plusieurs compétitions olympiques.
C’est un exemple de force philosophique
Que d’être exempter des condamnations hypothétiques.
Un oiseau qui n’a qu’une aile
C’est comme une aile qui n’a qu’un L
Il me gazouille à l’oreille
Qu’il est plus heureux à présent
Mieux que quand il vivait en se lamentant
Sur l’ombilic des manques de contentement
Il se sent mieux qu’avec ces deux ailes d’avant
Car un oiseau qui a deux ailes
Parfois c’est comme une aile qui a deux L
Ca sonne « aille »
Aïe, ça fait mal.
Mais si on se concentre sur l’élan
Qui nous propulse quand on est différent
On vole si haut
Comme l’oiseau qui n’a qu’une aile
Qui est si beau
Quand il chante la vie.
​
Ainsi le T final de la morT s’enfuit
Et voit arriver dans l’autre sens le D, de déterminé, le remplacer.
L’oiseau qui n’a qu’une aile morD
La vie à pleine dent.
Harcèlement scolaire : dentition de l’exclusion.
La dent esseulée est inoffensive jusqu’à ce qu’elle crée une alliance
Avec ses semblables pour gagner de la puissance.
Solidarité pour le meilleur, désindividuation dans le pire des cas.
Dentition de l’exclusion,
Tu mâches ma tête qui ne te revient pas,
Tu mastiques mon enfance lentement en reproduisant avec la même endurance
Les mécanismes du monde des adultes qui marginalise la différence.
Tu suces toute la saveur sucrée de cet âge où l’amitié
Est la première expérience d’amour de l’altérité.
Tu me fais claquer tes bulles en pleine face, jusqu’à ce que je perde la mienne.
Tu écrases cette boule gommant l’être ainsi que ma dignité
A même le bitume de la cour de récré.
Ca colle, sable mouvant de bubble-gum,
Ca s’englue dans mes cheveux, ça soude mes yeux,
Ca rentre dans mon ouïe jusque dans l’oreille interne.
Violence froide qui brûle chaque matin à l’azote liquide
Mon ventre sur le chemin de l’école, ligne verte, qui me guide.
Dentition de l’exclusion,
Tu es fixée à une mâchoire bien plus imposante que toi
Muscle-machine sociétale broyeuse de Moi :
Celle du système éducatif
Qui note, qui chique et hiérarchise pour rendre plus compétitif
Ceux que tu appelles « élèves », que pourtant tu rabaisses.
Maintenant endurcie d’avoir été trop mâchée,
Je comprends alors que dans ce collège de seconde zone, tu reproduis
La même domination que tu subis.
Dentition de l’exclusion,
Tu tentes de trouver ta place dans la grande chaîne de la domination,
Réduire la première de la classe à l’état de chewing-gum insipide et tourmenté,
Etait-ce ta seule emprise sur cette école reproductrice d’inégalité ?