D'abord griffonnés dans mes carnets de vie,
mes poèmes surgissent pour analyser le monde qui m'entoure, pour créer des images que je n'aurai jamais trouvé sans l'écriture,
ou parfois pour transmettre face à l'impuissance du tableau.
Certains poèmes sont tirés de mon recueil de poésie-peinture "Amour, Art et Anarchie" (2019) et ont été déclamés durant des scènes slam, ou durant d'autres performances poétiques.
La poésie doit s'écouter. Elle doit vivre loin du papier hermétique. Dire et écouter de la poésie c'est ressentir la vie viscéralement, comme lorsque l'on nous chuchote à l'oreille ou quand une foule scande.
En attendant que ces textes, liés de près ou de loin à mon travail de peinture, soient interpréter
en déclama-chansons, vous pouvez les lire...
Le capitalisme autophage
Il a faim.
A l’image d’Erysichton, ce roi maudit tronçonneur du peuplier des nymphes,
Le Capitalisme finit par se dévorer lui-même tant il a faim.
Pas de fastes repas, non, il s’empiffre sans en voir la fin,
Plus de nymphes, seul du fast-food coule dans sa lymphe.
La jouissance est côté en Bourse, c’est la course à la dopamine.
L’hyperstimulation des plaisirs lamine
La sérotonine, source chimique du bonheur.
Il mène par le bout du nerf notre conscience,
Des secondes d’orgasme synthétique à répétition
Crée par le marché apprivoisant la science
Pour titiller nos circonvolutions.
Il a faim.
Cet être cupide a été élu à la majorité,
Lorsque les isoloirs sont devenus des supermarchés.
Il avale toute la nourriture qu’il peut trouver.
Quand il y en a plus, c’est Internet qui remplit son ventre
Pour faire de l’ennui l’orgie numérique de son épicentre.
Le monde virtuel le happe de façon systémique,
Cliquer de vidéos en sites d’info en vidéos s’intègre au système sympathique.
Le Capitalisme apathique a tellement faim
Qu’il invente des besoins,
Des objets, des bibelots à se mettre sous la dent.
Il a faim.
Il a tellement faim.
Qu’il a déjà mangé ses deux mains jusqu’à l’os,
C’est un ouroboros sans lendemain,
Il perd la tête, tourne en rond, se mord la queue,
Il devient fou : licencie pour créer des emplois,
Remplace les humains par des intelligences artificielles électrisées,
Elles-mêmes entrainées par d’autres humains exploitées,
Il réduit le nombre de soignants pour diminuer les malades,
Et embellit le vocabulaire à défaut de la réalité dans une perverse aubade.
Dans sa folie, il nous balade.
Il a faim, ça oui,
Mais après tous ces écocides
Arrivera son suicide.

Tu te selfishes
Aujourd’hui en observant le retard de mon train
Je te vois, jeune femme qui a comme passe-temps
De se prendre en photo avec un miroir
De mirer ton égo pour cacher tes déboires
De jouer à cache-cache avec la réalité
De miser sur qui aura la plus belle vie, le meilleur été
A mon avis, au jeu compétitif de qui paraitra le plus heureux
Le gagnant est en vérité le perdant.
Je m’explique.
L’accès au bonheur n’a pas besoin de mise en scène, il se trouve dans la fosse aux semblants
Stop aux faux semblants
Tu as l’air triste, l’air de n’avoir plus d’objectifs dès que tu ne te trouves plus devant celui de ton objet addictif,
Décore d’un piercing, tu as le nombril plus gros que les yeux cernés de mascara
Mascarade de fond de teint qui masque au fond que tu ne vas pas bien,
Faut pas que ça coule, car faut rester cool
Actrice de la triche, tu tentes d’embellir leur aperception de ton identité
Mais l’excès te happe au tout-à-l’égo d’un revers de snap.
Ici je ne blâme le selfie en tant que tel
Autoportrait de notre temps comme rite culturel
Le problème c’est la tyrannie des images comme référentiel social
Où on se tire par les cheveux par écrans interposés
Quête identitaire qui tait l’Être à vouloir trop paraître
Quelque part sur le net y’a une part pas très net de ton être
Prête à comparaître devant le tribunal du mal-être.
Tu seras pré-jugé si, malheur, tu montres le tien car
De un, tu le penseras exceptionnel
Ayant l’habitude de voir des sourires pour tout et rien
De deux, ton intimité se verra absorbé par le toile de l’altérité virale
On se harcèle, se ment, de balance de la haine,
La désintimité sur les réseaux souffre de l’effet Larsen
Ca crame jusqu’à l’oreille interne
Quand tu te selfishes toute la journée
Tu te contrefiche de l’annihlation de l’humain, la flore et la faune
Car pour vivre ensemble faut savoir poser son phone
Et, nuance, ne pas poser pour lui.
Tu ne vois qu’un coucher de soleil,
Et pourtant derrière toi, ce sont des bombes qui tombent du ciel
Vite vite, immortalise-toi, tape la pose avant qu’elles explosent.

Alarme écologiste
Tout autant que le politique, l’écologie ne doit pas être une question d’esthétique mais de survie.
Effondrement imminent.
Leur gestion de la civilisation est minée, elle désanime le Vivant, elle nit
L’alarme qui hurle, qui pourtant semble silencieuse dans le tintamarre des indignations.
T’en a pas marre de ces indignes nations
A la double-pensée décompléxée ?
Effondrement imminent.
A force d’effriter la biodiversité, ces boyaux vont devenir notre tombeau, pas vrai ?
L’alarme ne chante plus, ne bat plus des ailes, sa lumière s’amoindrit
Elle s’étouffe à l’oxyde de carbone, signe qu’il faut que tu t’enfuies.
Effondrement imminent.
Les masques à gaz de l’esbroufe dirigeante sont une mascarade
Juste un instrument de pouvoir faisant croire à une sacro-sainte invulnérabilité.
Aucun corps humains ne résistera à l’écrasement de la roche qui saisira sans embuscade.
Effondrement imminent.
La lutte déclasse les vainqueurs sur le podium des pollueurs-payeurs
Et se jette à corps rompus sur la transition faussement écologique
L’école des jurys est corrompue, c’est logique.
Effondrement imminent.
Tu deviens claustrophobe des œillères, ces fictions capitalistes auxquelles tu capitules,
Tu lèves les yeux pour entendre l’alarme face à l’inertie des capitales.
Avant qu’il ne soit trop tard, creuse-nous une sortie, et détales !

Crapahuter
Tes chevilles remises à niveau
C’est ni haut, ni bas, c’est juste le relief originel
Avant que ça ait commencé à bétonner sous nos semelles
Alors qu’avant ça crapahuter dans les sommets.
Cap ou pas cap de lutter avec ton corps ?
Tes chevilles qui titillent, tes pieds qui se cornent
Tes poumons qui s’étonnent d’en demander encore
Tes paumes à même l’écorce des branches
Ca débranche petit à petit l’égo, tu captes ?
Cap ou pas cap de respecter ses propres limites ?
De devenir joueur de réussites, plutôt que d’échec ?
Et matte ! Le chemin que t’as déjà parcouru.
Même si pour toi c’est pas courant de crapahuter,
L’envie c’est le carburant de l’Humanité.
Tes orteils s’agrippent dans le hors-piste
Tes oreilles se nourrissent du hors champs
Ces chants envoutant des montagnes qui te tannent
De grimper toujours plus haut, pour voir à quel point c’est plus beau
Loin des sentiers battus.
On sent que ça fait peut être des années
Que personne n’y a mis le nez.
Crapahuter à la verticale
Là où les arbres sont presque à l’horizontale
C’est pas mal, ça fait même du bien au fond des entrailles.
Cap ou pas cap de faire de la marche une activité ascétique ?
T’inquiète y’a pas de mauvais rythme.
Marche, crapahute, pousse-toi à sortir de ta hutte.
Sentir ton être qui mute
C’est honorer ton corps valide.
Ton dos s’étire et grandit,
Tes tripes s’équilibrent et vibrent,
Sacré trip d’être libre…
Pas toujours facile d’être confronter à sa faiblesse de citadine
Mais y’a pas de fatalité face aux faits qui blessent, qui minent,
Ya juste de la puissance à rééduquer,
Ya juste des circonvolutions à crapahuter
Et le mont Mental à escalader.
Des fables qui blessent
Sentez-vous les mots-cocards qui changent le regard
Les lèvres ouvertes à coups de bouche que l’on ferme de force.
Les torses repassés à coup de bâton puis de caresse,
Puis de bâton en liesse, puis de caresse en laisse…
L’amour peut être un appât qui se dresse,
Le son doux d’un appeau pyromane charmant les proies aux plumes inflammables.
Papa-triarcat l’a dit :
« Une femme se doit être aimable, un homme doit se battre pour être respectable »
Et gouverne-maman a acquiescé.
Pourtant ce couple pervers a été éduqué par les mêmes mères aux ailes carbonisées.
La violence systémique tient la main de l’intime
Et abime contre les murs les phalanges de ses victimes.
Il y a des hommes qui fracturent
L’estime de soi sous prétexte de payer les factures.
Trop de traumas qui entretiennent les brûlures
Trouble trépas quand l’emprise dure.
Nous espérons juste que cette époque soit charnière.
Sentez-vous les coups de poings s’extirper des ventres-charniers pour se lever à l’unisson ?
Car c’est le son des ADN extincteurs,
Des odes à la haine qui meure,
Des femmes-phénix sans gênes qui flambent
Des flammes sans oxygènes qui tremblent,
Des hommes qui éclairent sans brûler l’antre de l’autre.
Bref, des amours sains entre humains solidaires,
Des alliances solaires qui liquéfient l’air.
Aujourd’hui, on recolle les morceaux du vase brisé par ce « bouquet de nerf »
Foutons la frousse à ces fables qui fabulent la faiblesse des femmes,
Les clichés créent la réalité, nous sommes à leurs trousses chaque jour.
Les récits nous conditionnent, nous sommes les impasses qui se retroussent pour toujours.
Alors écrivons de nouvelles histoires sans princesses en détresse
Mais des sorcières qui transgressent,
Des princes qui fuient leurs destins de monarque
Des petits chaperons en rouge et noir plus malignes que le loup qui les marquent
Des barbes bleues, vengé par la sœur qui l’attaque,
Des femmes sans futiles larmes qui sonnent l’alarme
Quand il y a trop de mortes qui nous insupportent, écrivons,
Quand l’aorte se heurte dans les corps de nos sœurs, écrivons.
Pour transformer la réalité, écrivons des fables fortes où résistent les femmes,
Réapproprions-nous les feux de l’âme.
Egoïsme décomplexé
« Une part pour toi, le reste pour moi. »
Voici un slogan d’une pub qui, au-delà de promouvoir la vente d’un gâteau,
Résume la philosophie individualiste de notre société en émoi.
Ici, on ne te laisse que des miettes, ça, ils ne l’ont pas marqué sur l’écriteau.
Et toi, d’une part, tu es parti, tu fuis la guerre
Le reste, en arrivant ici, tu ne le connaissais guère.
Les frontières psychiques ont des fossés plus profonds que celles que tu traverses à pieds.
Le labyrinthe bureaucratique sert de charnier dans les pays dits civilisés.
Indécente politique qui négocie l’hospitalité
Lorsque le droit de vivre décemment devrait être un no man’s land.
Indécente politique qui râle la bouche pleine,
Lorsque tu te couds la bouche pour faire entendre les gargouillis de ton ventre en peine.
C’est la course contre la mort que tu tentes de gagner,
Ici, la ligne d’arrivée est en fait celle du départ…
Le jeu de la vie
Des petits pions gisent là. Des chevaux terrassés, quelques fous à liés et une tour émiettée sont à terre, sur la table basse du salon. Des querelles d’injures fusent dans l’air, à en faire crever les fuseaux horaires. Les uns imposent aux autres de se taire. Les pions reprochent aux cavaliers de ne pas avoir assez cavalé pour les protéger - Etre pion c’est aussi savoir se sacrifier pour défendre un tablier en temps de guerre - Mais non il faut faire preuves de solidarité pour mettre en pièce les pièces adverses - Non, vous n’avez rien compris, ça ne dépend pas de nous, si l’on trépasse c’est à cause de la main dirigeante manipulantes et de ses tours de passe-passe - Peut-être mais c’est surtout celle de la main ennemie, qui a été plus stratège que la nôtre, il faut trouver un meilleur joueur, une meilleure tête aux doigts agiles, qui nous voudra du bien ! – Ou un autre roi, dans ce cas ! – De toutes façons c’est la faute à ces fainéants de pions ! – Non, aux cavaliers ! – Non aux rois ! - C’est bon, taisez-vous les mauvais joueurs, ce n’est pas notre première défaite, on gagnera à la partie suivante…
Tout cette cohue est interrompu par une voix cinglant les cieux : « Echec et mat ! On se refait une partie ? »
« NON ! » lance un des pions qui n’avait rien dit jusqu’ici.
Immense silence. On entend même plus frémir les lances.
« Non, non et non ! Le réel problème est qu’on se concentre tous à sauver le roi au lieu de sauver notre peau. Qu’on se tient à carreau depuis des années. Des siècles même, depuis que ce jeu et ces sales règles ont été inventé. Ces sales règles faites de cases et de castes pour mieux qu’on reste en place, avec toujours ces mêmes trajectoires calculées qu’on essaye de diversifier. Le problème n’est pas si on a gagné ou non la partie, si on a remporté le pari, si on s’est sacrifié pour la patrie. Car dans les deux cas on perd notre vie, on reste sur le parvis. Le problème n’est pas non plus quelle main nous dirige. D’ailleurs, elles changent de camp suivant les tournois. Ça me noie l’estomac, ça me tourne la tête leurs doigts poisseux qui ont plusieurs coups d’avance. Aussi, ça me coupe la panse vos querelles tantôt bienpensantes, tantôt fulminantes. C’est décidé, je me barre de l’échiquier. Je m’en vais parcourir le salon, la maison, le jardin, qui sais au-delà ? J’en ai marre, je me barre de l’échiquier, en quête de ma véritable sculpture. Je ne veux plus être un pion en bas de la hiérarchie, ni même en haut car la reine et le roi sont aussi perdants. Je me barre de l’échiquier, vous m’entendez. J’ai toujours rêvé d’être une pièce de puzzle. Une pièce qui s’assemble à d’autres pour créer une image commune. Une image où l’âme agit, où l’amitié fait société, autant que la créativité et l’organisation. Où chaque pièce est unique, ne ressemble à aucune autre, libre de naviguer pour s’associer à des compagnons au dessein désirant, là où le conflit se fait construction. Je veux être une pièce qui se teinte pour faire part au dessin, au jeu de la vie, pour former un grand tout. C’est ça, je ne veux plus être un petit pion de rien du tout mais la pièce d’un grand Tout. Que ceux qui aiment jouer, ceux qui aime inventer des règles avec autrui, bref que celui qui s’aime lui-même me suive ! Je me barre de l’échiquier, je vous laisse le soin de le cramer. »
JC L’oiseau
Le pouce au vent
La tête en l’air
Les pieds sur terre
J’attendais ainsi au bord de ma destinée
Qu’un véhicule veule bien s’arrêter.
Un drôle d’oiseau freina
Et me proposa de m’emmener à cent kilomètres de là.
Je m’aperçus pendant le vol qu’il avait quelque chose en plus
Était-ce un supplément d’âme ?
Une trente-troisième dent pour croquer l’infâme?
Un troisième œil pour craquer la couche des apparences ?
Ou bien une seconde bouche pour claquer et dire tout de ce qu’il pense?
Un quelque chose en plus que ma raison ne sut décrypter
Un quelque chose en plus qui résonne comme une liberté.
Quelques observations et conversations plus tard
Je compris que ce qu’il avait en plus
C’était une aile en moins.
Un fatal accident de vol
Un acide manque de bol
Qui abîma cet être de plume
Le plongea dans les abymes
Un plumard pour un légume
Un cauchemar qui s’accoutume
Durant neuf mois
Neuf mois c’est long,
Sa pauvre mère allait le débrancher
Neuf mois, c’est rond
Ca lui rappelait sa gestation
Le neuvième mois, c’est le bon,
Pour mettre fin à l’attente vide.
Et pourtant ses amis se sont battus, me raconta-t-il
Pour maintenir le souffle de ce songe sans réveil
Qui ronge le rêve de la vieille
Déjà en route pour le dépotoir des espoirs.
Le désespoir échappa à la victoire
Lorsque l’oiseau se raviva
Lorsqu’il accoucha
D’une nouvelle vie démembré
D’un de ses attributs pour voler.
A l’hôpital, les experts insistèrent
A lui dire qu’il serait salutaire
De vivre uniquement sur terre.
Quatorze mois de rééducation après
Près à redevenir le sportif qu’il était
Enfin alléger de tout regrets
Il s’envola ainsi plus facilement
Participa même à plusieurs compétitions olympiques.
C’est un exemple de force philosophique
Que d’être exempter des condamnations hypothétiques.
Un oiseau qui n’a qu’une aile
C’est comme une aile qui n’a qu’un L
Il me gazouille à l’oreille
Qu’il est plus heureux à présent
Mieux que quand il vivait en se lamentant
Sur l’ombilic des manques de contentement
Il se sent mieux qu’avec ces deux ailes d’avant
Car un oiseau qui a deux ailes
Parfois c’est comme une aile qui a deux L
Ca sonne « aille »
Aïe, ça fait mal.
Mais si on se concentre sur l’élan
Qui nous propulse quand on est différent
On vole si haut
Comme l’oiseau qui n’a qu’une aile
Qui est si beau
Quand il chante la vie.
Ainsi le T final de la morT s’enfuit
Et voit arriver dans l’autre sens le D, de déterminé, le remplacer.
L’oiseau qui n’a qu’une aile morD
La vie à pleine dent.
Fable criarde
Pourquoi l’Art plutôt que Rien ?
« Parce que le Rien plutôt que l’Art ! » s’exclame l’Art Contemporain.
L’histoire de l’Art et de l’Humain ne rigole plus
Lorsque se voit exposé et vendu,
Au nom de l’Art d’aujourd’hui,
Des morceaux de rien conservés sous vide.
Parfois, ça me le noue, le bide
De voir tant d’énergie, de temps et d’argent
Dépensé par des gens
Déjà avec plein d’argent
Ou de pauvres imposteurs abusant du mot « Art ».
Et y’en a marre
De ressortir des musées, des biennales
Ou de certains autres festivals
D’un air désabusé.
C’est alors que j’ai remarqué
Dans la bassesse du caniveau
Un drôle de mot
A l’être déformé
Tant il avait été étiré, piétiné, subordonné
A la norme du vide aseptisé.
Ces lettres A, R, T que je failli heurté
et dont le sang ne faisait qu’un tour
Me dit sans détour :
« Hé toi, dis moi! Pourquoi Rien plutôt que Moi ? »
« Car ils tentent de faire de ton sens mille tours
De passe-passe
Jusqu’à ce que tu trépasses.
Mêler l’art à la vie nous relève l’élite de la critique
Mais ça tique car comment révéler notre vision
Si celle ci se confond avec le visible
Souvent synonyme de mort plutôt que de vie.
Oui, ils tentent de faire de nos têtes et de nos sens
De creux réceptacles
Ou bien d’épileptiques actions dans cette société du spectacle.
L’art a toujours été le reflet du monde
Et ces institutions de l’art humilie la Joconde
Et spécule sur ce Rien
Qui, vois-tu mon très très cher,
Génère beaucoup de valeur avec peu de matière,
De réflexion et de savoir-faire.
Permettant la croissance infinie, cet idéal
Que prône le marché mondial.
Pour répondre à ta question :
Le Rien est le meilleur produit de consommation.
Regarde toi, tu fais triste mine
Tu es si mou que tu dégoulines
Viens sous mon bras, il est l’heure
De te lover au creux de mon coeur
Pour mégaphoner à l’immonde
La vision dont il nous inonde
Et de transmettre la justesse
Avec le travail de la couleur
Pour que celui de la douleur
Exorcise les béantes plaies
Remplisse les ventres évidés par l’absurdité
Et surtout témoigne d’un trop-plein
Plutôt que de Rien. »
Anthropocène, une ère trop obscène
Anthropo c’est nous, troupeau d’hommes
Trop occupé au profit de ses intérêts
Troupeau d’hommes qui a
Trop profité à occuper la terre
Approprié d’autres terres, des emprunt avec intérêts,
Anthropocène, une ère trop obscène
Cène, le « kainos » signifiant nouveau
Et pourtant c’est pas nouveau
Qu’il est plus rapide et aisé de détruire
Que de créer
Anthropocène, une ère trop obscène
Une ère où les hommes ont tant et si bien bouleversé
Cette boule bleu de diversité, ce « oikos » notre demeure,
que la Terre est entré dans une nouvelle ère géologique.
Et oui, c’est logique quand on prend plus que l’on donne.
Mais parfois je me mets à rêver
Je vais m’enraciner dans la forêt
Ou dans le coeurs des humains
Pour repenser le vocabulaire
Pour respirer un nouvel air
Pour que, Anthropocène, cette nouvelle ère
Signifie troupeau d’humains
Vivant une seconde cène légendaire
Mais cette fois ci attablés à un repas commun
Troupeau d’humains
Qui mange juste que qu’il a besoin.
Biodiversité riche de beauté
Mille insectes par mètre carré
Ca crépite sous tes feuilles
Ca bourdonne dans ton vent
Souvent ça chatouille ma peau
Arraignée amoureuses-tisseuses de vie
Moustiques écrevisses égarés
Et autre espèces inconnus au bataillon
J’aime vous observer
Loin des cacophonies citadines.
Un héron s’envole et emporte
En un battement d’ailes
Mon espoir de votre survie.
Carnets de vie
On me renvoi souvent
Que le crayon et le carnet que je dégaine régulièrement
Font partie d’un autre temps
Qu’il serait temps que je m’adapte maintenant !
Maintes fois, on me ressort cette même rengaine,
« Mets- toi à la page. Même ma grand-mère a un smartphone ! »
Pourtant ma page de papier me suffit, une nouvelle chaque jour
Est plus stimulant qu’un nouvel Iphone tous les ans.
Si l’on considère que la vie est un perpétuel voyage,
Je vais à présent vous parler de mes carnets de vie,
Car naît l’envie pressante depuis mes treize ans d’âge,
De recueillir de jour comme de nuit
Mes cris éthiques, narratif et critique
Ces crocs qui sont naissent de prose et croquis.
On peut parler d’ascèse poétique
Qui en plus de son effet mnémotechnique
fixe l’extra dans l’ordinaire.
L’encrage de cette extra
Qu’il soit d’horreur ou de bonheur
est un rempart contre l’ennui,
et semble affiner notre regard sur l’ordinaire
plus on l’inscrit.
Les mots nomades se sédentarisent
Parfois, les mots nomment mal l’émotion
Mais cède sous la force du pinceau
Mon carnet est leur maison
Mon esprit leur voyage
Et je ne peux voyager sans poser
Ma pensée en danse de traits.
Dans cette pause graphique,
s’apaisent les sentiments fantastiques.
Et si elle n’est pas régulière,
Le coeur tique,
La tête trique
La furie vagabonde nous étrique.
La liberté se vit aussi par l’écrit,
Ces cris de mots ou bien d’images
Approfondissent les réflexions d’aujourd’hui
Et font d’hier un témoignage
Pour nos archéologues du futurs,
Qui auront peut-être perdus
Ce flot de mots et d’images immatérielles
Qui détermine notre ère virtuelle.
Entartés du soir, bonsoir !
En ce soir fructueux de rencontres fortuites
Entourée de jeunes philosophes bien sympathiques,
Je m’abreuvais de vin et d’amitié.
Une scène vint troubler la lumière de nos conversations
Tel un bout de plastique balancé avec intention
Dans l’eau paisible du Rhône
Brouillant ainsi la réflexion lumineuse de cette zone.
Un groupe de riches mendiants
Que nous pouvons nommer frivoles étudiants
Se présente à nous pour quémander un brin de monnaie
En échange d’un spéculatif « honneur » de les humilier
En leur administrant une assiette de crème
Dans la face des filles uniquement
Qui l’avait apparemment perdu
La face.
Le rite initiatique de cette école de commerce
Consiste à décoller toute dignité à ses nouveaux arrivants
En leur infligeant comme exercice
Une baffe de crème du tout venant.
La baffe, certes
Mais une baffe sucrée
Qui leur faisait oublier
L’amertume d’un système.
Incarnant ainsi la servitude volontaire
Dont nous parlions peu de temps avant
Cet exemple si surprenant
Nous amena à nous taire.
Le silence ne fut pas bien long
Devant un tableau si parlant
De ce sado-masochisme divertissant
Oeillère d’une société en formation.
Formation professionnelle de l’humiliation
Nécessaire à leur futur fonction
Dans le commerce, l’individu n’est qu’un maillon
D’une chaîne économique ne comptant plus ses heures
Dominé par le maillon incessamment supérieur.
Une originale proposition
Vint conclure la conversation
Mon frères d’éthique à mes côté
Les invita plutôt à abandonner
Étiquettes et clichés
Dans la métaphore d’une grande valise
A balancer dans l’eau à leur guise.
Au lieu de se laisser tenter par la libération
D’une lourde charge
Qui pique, tique et étrique
Ce triste tableau
Poursuivit sa route en continuant
A crier
« Au suivant,
De la crème et des jeux
Mesdames et Messieurs ! »
Harcèlement scolaire : dentition de l’exclusion.
La dent esseulée est inoffensive jusqu’à ce qu’elle crée une alliance
Avec ses semblables pour gagner de la puissance.
Solidarité pour le meilleur, désindividuation dans le pire des cas.
Dentition de l’exclusion,
Tu mâches ma tête qui ne te revient pas,
Tu mastiques mon enfance lentement en reproduisant avec la même endurance
Les mécanismes du monde des adultes qui marginalise la différence.
Tu suces toute la saveur sucrée de cet âge où l’amitié
Est la première expérience d’amour de l’altérité.
Tu me fais claquer tes bulles en pleine face, jusqu’à ce que je perde la mienne.
Tu écrases cette boule gommant l’être ainsi que ma dignité
A même le bitume de la cour de récré.
Ca colle, sable mouvant de bubble-gum,
Ca s’englue dans mes cheveux, ça soude mes yeux,
Ca rentre dans mon ouïe jusque dans l’oreille interne.
Violence froide qui brûle chaque matin à l’azote liquide
Mon ventre sur le chemin de l’école, ligne verte, qui me guide.
Dentition de l’exclusion,
Tu es fixée à une mâchoire bien plus imposante que toi
Muscle-machine sociétale broyeuse de Moi :
Celle du système éducatif
Qui note, qui chique et hiérarchise pour rendre plus compétitif
Ceux que tu appelles « élèves », que pourtant tu rabaisses.
Maintenant endurcie d’avoir été trop mâchée,
Je comprends alors que dans ce collège de seconde zone, tu reproduis
La même domination que tu subis.
Dentition de l’exclusion,
Tu tentes de trouver ta place dans la grande chaîne de la domination,
Réduire la première de la classe à l’état de chewing-gum insipide et tourmenté,
Etait-ce ta seule emprise sur cette école reproductrice d’inégalité ?

Bonté souterraine
Dans le dédain conformé de cette foule souterraine
Je m’enfuis dans un livre, loin de l’apathie qu’elle mène
Aujourd’hui, dans ce métro monotone
Je fus tiré de ma lecture par ce genre de scène qui étonne.
Assise à côté de moi, une femme de bonté
Proposa à une autre levée
De s’asseoir à sa place
Tant le chagrin la terrasse.
Un simple geste, mais pourtant peu banal
Dans l’insensibilité du métro générale
Ca se gène, et ça râle
Ca bêle d’ordinaire
Mais aujourd’hui ces deux étrangères
Entre larmes et sourires fraternels
Montre à quelle point l’écoute peut être belle.
Tel une sœur à une autre
Étrangère, tu n’es plus
Lorsque tu tends ta main à cet autre,
Effrayant les clichés, que l’on nomme Inconnu.
La triste femme enfin s’assit
Essayant de retenir ses franches émotions
Celles que l’on mâche et avale en public avec attention
Celles que l’on exprime seule ou avec de rares amis.
Entre ses deux sœurs d’un instant
Les confidences fusèrent discrètement
Quand on demanda à ses larmes « pourquoi? »
Elles répondent qu’elle avait perdu son emploi
Mais son sourire immédiatement rétorqua
Qu’elle avait aussi gagné une amie qui lui dit « Toi ».
Masculinités érotisées
Les hommes n’ont pas besoin de jouer au guerrier pour me plaire,
Ils peuvent déposer leurs armes, écouter leur flaire,
Me faire boire leurs larmes, me nourrir de leurs rires,
Faire danser sous les draps leurs âmes, arrêter de vouloir me secourir.
A trop vouloir sexualiser les femmes, nos imaginaires sont vides
De masculinités érotisées, de ces beautés qui vibrent dans le bide.
Je les aime doux comme de vifs pétales,
Quand ne vit plus dans leur bouche l’insulte « pédale ».
C’est un tout autre combat qui les attend, en s’insurgeant contre Papa-triarcat,
En se confrontant à Gouverne-maman, ce couple de keufs scélérat
Qui oppresse avec dégâts les meufs, mais aussi les gars.
Les hommes n’ont pas besoin de jouer au guerrier pour me plaire,
Ils peuvent dégonfler leur torses, me laisser leur payer un verre,
Se dégorger de poésie dans ma bouche vorace, au lieu de me couper la parole
Assumer s’ils aiment être pénétrer, disséquer leurs sensations les plus folles.
Qu’ils relâchent la pression d’être un mâle, un vrai,
Qu’ils décrochent leur testoxicomanie, c’est pire que de la coc’
Car la drague est une affaire de poésie, pas vrai ?
Qu’ils lâchent leur dague, ce n’est pas un combat de coq
Pour remporter la poule, mais plutôt gagner avec elle.
Qu’ils abandonnent ce récit qui nous plume les ailes
Et qu’ils s’enlacent d’amitié, d’amour, de plus belle !
Les hommes n’ont pas besoin de jouer les guerriers pour me plaire,
Ils peuvent arrêter de faire couler sur leur corps les liqueurs chimiques du capitalisme « for men »
Décomplexer de n’être ni dur ni tendu pour être charmant, sortir de la logique du superman formel
Inventer des manières d’être séduisant, déconstruire leur place de dominant sexuel.
Séduire est un jeu où il faut oser sans bousculer,
C’est souvent savoir être bon perdant sans insister,
C’est savoir être inventif pour s’exciter,
Séduire c’est induire des règles tacites, savoir ressentir
C’est rester soi-même, ne pas se mentir,
Séduire est parfois un jeu qui se suffit à lui-même,
C’est allumer un feu ensemble pour réchauffer ceux qui, un instant, s’aiment.
Les hommes n’ont pas besoin de jouer au guerrier pour me plaire.
J’aime les voir nager nu quand se liquéfie l’air.
Poème botanico-érotique
J'ai construit une serre dans ma chambre, pour que mes songes véritables survivent à l'hiver.
Chaque aube quand j'éclos, je guette se réveiller mes petites pousses dans leur enclos de verre
Seule une graine restait tous les jours couchée dans son lit de terreau
Etait-elle terrorisée par l’idée de faire poindre son museau ?
Ou tout simplement est-ce que sa dormance n’était naturellement pas achevée ?
Alors ce matin, j’ai lu et relu de si beaux vers qu’ils m’ont servis à l’arroser.
On ne peut aller plus vite que la germination.
Les atomes du désir aussi détiennent leur nucléation
Nécessaire action, indispensable feu de la création
Dont la puissance d’exister fait pousser le germe dans son sillon
Pour trouver la lumière quand Eros tique de voir tant de précipitation.
Érotique est une plante qui pousse
Lorsque sont palpables les changements d’état qui l’érige
D’envie, qui de vertiges dirige
Sa tige si douce.
Ces gouttes de poésie ont fait vibrer la terre qui la confine
C’est vrai que ça réchauffe juste assez pour faire germer
De quoi s’évader par écrit et procurer de la dopamine
A un autre furtivement rencontré.
Érotique est une plante qui pousse
Lorsque se cramponnent ses racines dans l’humide glaise
Lorsque s’écarte ses feuilles chauffées de photosynthèse
Elle se trémousse.
Je le répète, je vis d’Art, d’Amour et d’Anarchie
Trois A qui résonnent comme un rire
Dans ma chambre-serre remplie de vie
Un rire fou, l’entendrez-vous peut-être bruire.
Érotique est une plante qui pousse
Lorsque s’ouvrent ses pétales aux mouvements du vent lui chuchotant
Des mots-pollen pendant
Qu’il la caresse du pouce.
Rien ne sert de tirer sur la plante, il faut la laisser pousser à point.
Ne cueillez pas sa fleur, dégustez-en juste la saveur, voir son fruit
Dans les règles de l’Art, de l’Amour et l’Anarchie.
Dors de ta mort
05.06.2020
Bientôt dix-sept heures
D’une seconde à l’autre,
Ton cœur s’arrêtera de battre,
Ton cerveau de se débattre,
Tes organes d’être irrigués,
Ta fourrure de te réchauffer.
Dors de ta mort mon chat,
Ton enveloppe se verra ôtée de son charisme de tsar dorloté
Dors, meurs, oui, tu as le droit d’être ôté de l’agonie de tes vielles années
Même, que c’est le devoir des gens qui t’ont dorloté.
Ton royaume où coussins et coussinets forment une même rondeur
Se vide de ta présence de gardien des histoires de cette demeure
Présence silencieuse, frère félins, quand les cris fracassaient le quotidien familial
Présence miaulante réconfortante, comme une cohabitation de nature filiale.
Dors de ta mort mon chat,
Ton statut d’animal t’autorise à mourir dans la dignité
Dors, meurs, oui, tu as le droit d’être ôté de l’agonie de tes vieilles années
Même, que cet adieu est une leçon d’amitié.
L’euthanasie est un droit que les humains souffrants n’ont pas, un désir qu’ils doivent taire
Comme si, en contrepartie, notre chère espèce n’a pas à être massacrée par une autre pour sa chair.
Ton statut de chat te fait éviter ces deux souffrances illégitimes
Compagnon privilégié du monde animal, ta vie a de l’estime.
Les êtres aimés
Les êtres d’éternité
Nous rappelle à la vie
En mourant
Nous rappelle
Qu’être vivant
Qu’être sentient
Est une quête de vie aimante
Pas d’une vie souffrante.
D’une seconde à l’autre,
Il sera dix-sept heures.
Oui, tu as le droit, mon chat, dors, meurs
Il est l’heure.
Dépeuplé de toi
Mon lit est dépeuplé de ton monde
Dans le No man’s land de mes pensées.
Je divague et digresse
Avec un « toi » sur la tête.
Je n’arrive plus à tenir mes idées en liesse.
Ta voix sans ton odeur
Mes doigts sans ta sueur.
Mon lit est dépeuplé de ton monde
Ce manque est une souffrance symbolique
Face à celle des vrais esseulés,
Des exclus, des gens oubliés.
Ma chair se sent un instant solidaire
De ces véritables solitaires.
Mon monde est dépeuplé
La masse a figé sa houle,
Plus de bains de foule,
Juste un début de phobie
De la prochaine agorafolie.
Mon monde est dépeuplé,
La cohue des avenues sont partie en quête
D’une sociabilité dans les rues du net
Je te parle à travers les ondes
En rêvant de palper ton monde.
Mon monde est un lit vide et froid
Qui n’attend plus que toi.
Le dépotoir des espoirs
Un enfant se réveille dans le noir dans le dépotoir des espoirs.
Autour de lui, luit dans la nuit,
Des morceaux de lampes brisées aux flammèches fébriles,
Survivantes de destinées désespérées et débiles,
Des trognons d’espoir trop grignotés par des rats qui battent la joie,
Des trop-plein d’estomacs de sociétés boulimiques,
Des rêves révulsés, compressés comme des carcasses de caisses électriques,
Des déchets de solidarité déchirés à coup de dèche,
Comme toutes ces utopies qui ont mouillé leur mèche,
Et puis ces bidons de sueurs amoureuses renversés qui se mêlent
Prêts à s’enflammer à la moindre étincelle.
Cet enfant a été abandonné dans ce joyeux foutoir qui accumule les déboires
Abandonné par son amer de société-mère car
Face au chaos, il avait trop d’espoir.
Alors l’orphelin rassemble ses forces et tente de s’enfuir,
D’abord il court à travers ces monticules qui hurlent,
Ces montagnes de bouts de vie délaissés,
Cette boue dont la glaise a été sculptée par ceux qui ont échappé au moule socialement accepté.
Il faut qu’il parte, il ne peut pas agoniser là, tous ces cris vont le rendre maboule
Il court, il court et il trébuche sur des cœurs encore palpitant, épatant !
Non, mais il faut qu’il parte maintenant.
Ses jambes s’enfoncent dans des tas d’états d’âmes non conformes,
Mais il continu de courir malgré tout,
Malgré les ventricules et tentacules du tout-venant.
Ses pieds foulent tant de talus de bouches cousues qu’il se met à chanter.
Epuisé, il finit par marcher sur la tête mais cette décharge des marges
Dont la forme semble s’éparpiller sur toute la planète, ça le fatigue
Un puits sans fond, non mais au fond, ça le rend barge
De savoir que son espèce l’a expédié ici pour quelques pièces.
En chemin, il rencontre des géants de ferraille
Qui ont lâché leurs fils à haute tension
Pour fouler librement la vie sans crier « Attention ».
Ensuite, il rencontre des clochards-poissons qui n’ont jamais reçu d’eau,
Des glaneurs de temps qui se fichent de l’heure,
Des exploratrices qui cherchent leurs sœurs,
Des bobines d’ombilics emmêlés difficiles à tricoter.
Là, lourdes portes fermées, tombées au sol, toute rouillées,
Que le monde qu’il cherche n’a pas réussi à déverrouiller.
Un peu plus loin des arbres à clefs millénaires, abattus, gisent là.
L’enfant en cueille une et l’insère dans l’une des lourdes portes.
La serrure est dure même avec des gants de géants,
Mais les clochards sans eau et sanglants et autres porteurs de trappes
Aident l’enfant et soulèvent les portes ouvertes sur cette planète-poubelle sans issue.
Ensemble, ils architecturent un nouveau monde arcimboldesques,
Sans murs ni démiurges,
Sans cris murmurés et la mort qui urge,
Sans larmes et sang qui coulent à flot,
Mais des flammes internes qui réchauffent des mots ternes.
Eux, les inadaptés, les révoltés, les embrasés recouverts de cendres,
Construisent ensemble une société-phœnix.
Maintenant l’enfant a grandi, sans pour autant être devenu un adulte,
Mais un être libre, bien portant avec la saine folie qui en résulte.
Il a fait s’évader les espoirs de ce dépotoir,
Alors si vous en voyez un, je vous invite à l’accueillir, à le croire.
Le vagabond des airs
Non, tu n’as pas le vertige, c’est une appréhension du vide
Le vertige, le vrai, est une dysfonction maladive.
Me fit-il remarquer
En cette nuit
Où chaque furtif inconnu devient mon ami.
Il me raconte qu’à présent il dort par terre
Lui qui ne connaissait que les airs
A même les cimes des arbres, l’abrupt des falaises
Il n’embrassait jamais le malaise.
Non, tu n’es pas complétement au sec, là
Ta jupe se gorge de pluie, ici-bas
Me fit-il remarquer encore une fois
En cette nuit, lui répondis-je, je m’en fiche d’être trempée !
Ces yeux tentent de me cacher que je l’ai vexé
Lui qui passe ses heures à éviter les flaques
Pour ne pas inonder sa maison qu’est son sac.
Je l’imagine alors au sommet du relief de la planète
Plutôt que plié à récupérer les mégots de cigarettes.
Sans évoquer sa chute, il me parle des hauteurs
Une lueur, alors, éclaire d’un coup son malheur.
J’aime naïvement imaginer
Sans lui faire remarquer
En cette nuit
Qu’il sera pour moi le vagabond des airs
Qu’en cette nuit
Acrobate des gouttières
Il dormira sur les toits plutôt que par terre.
Ce mage-mirage aussi dur que la réalité
Disparu comme un messager
Après m’avoir convaincu
Qu’un jour le vide n’aspirera plus ma vue
Que je n’embrasserais plus le malaise
A même les cimes des arbres, l’abrupt des falaises.
Et qu’un jour, en haut de la terre
Je penserai au vagabond des airs.
Notre Opéra de Bitume
Les nœuds de synchronicités bouillonnent au creux de la cité
Et crépitent dans les cœurs de ceux qui se rendent compte
Que les rencontres d’une soirée pluvieuse d’été
Font de cette nuit heureuse un sublime conte.
D’abord, un oiseau à la patté fêlée me happa dans le ciel de ses souvenirs
Quand il tournoyait pour divertir les tyrans d’Orient
Réelle dystopie qui crisse comme du sable entre les dents
Rêves dansants que le bout du monde doit accomplir.
Puis, un vieux rosier d’Iran troqua sa solitude contre quelques bières
Contre une poignée de métaphores potagères
Son terreau fertile nous protégea des viles tempêtes du désert
Pendant qu’un amical guitariste liquéfiait l’air.
La cartographie des relations s’étale en quatre dimensions
Chemins aux travers des destins
Humanité qui continue de me tracer un dessin
Des bobines qui se démêlent entre desseins et émotions.
Enfin, la rue fit naître devant nous un poète d’asphalte
Qui déchira la nuit d’un cri, vaporeuses improvisations sans haltes
Murmures d’une voix qui tintinnabule pour remplacer la sixième corde
De la guitare chantante, créatrice de concorde.
La cartographie des relations s’étale en quatre dimensions
Sur le parvis des élites artistiques détourné en cabaret populaire aux riches attentions
Sur les marches d’un Opéra qui fut notre palais
Abritant nos puissants moments d’éternité.
Street art cloisonné
Street art cloisonné,
Tes murs révoltés peuvent bien se la fermer
Quand ils se voient exposer dans des frigos.
Les révoltés des villes donnent la patte, font le beau,
Quand leurs œuvres d’art servent de déco.
On les entoile, on nous entube,
Quand les étoiles figées dans les tubes
Eclairent les murs White Cube.
Street Art cloisonné,
Les galeries feintent d’oublier leur anglais.
Les vandales se coupent les cordes vocales pour s’en faire des colliers
En fait, ce ne sont que des laisses soigneusement serrées.
La révolte peut-elle être cotée ?
Oui, car le libéralisme libertaire fait de la transgression sa norme
Et assimile en mode la révolte sous toutes ses formes.
Ils dressent en étendard ce mot-appât « Street Art »
Au lieu de le libérer pour qu’il reparte
Danser dans ces rues où sont nés ses murs-pancarte.
Street Art cloisonné,
Les galeries feintent d’oublier leur anglais.
Ne laisse pas le marché de l’art, Street Art,
Récupérer tes chants de détresse pour les dresser en charte.
Tu es un art de rue, et non un décorateur d’intérieur,
Tu n’es pas un abus de langage, mais un citadin crieur.