Queerpuscule
Recueil auto-édité, imprimé et relié à la main avec un cordon rouge.
Il est le support d'une performance in situ durant les expositions de ma série de peintures éponymes.
Prix : 10 euros
Commande : germa.liza@mailo.com
Hier a été dévié
On a éteint la Télé,
On a balancé le GPS
On s’est baladé
Et dans la glaise
On a gravé des SOS
En grève
En arrêt
On a séché la grande messe
De la normalité.
Hier, on s’est fait une promesse
Vaille que vaille
Se retrouver le lendemain
Même heure
Au sommet de la montagne.
Hier a été dévié
On revendique
Notre déviance
De fabriquer nos propres étiquettes
De les décorer, de les faire valser
De s’en délester avec ivresse
De les déchirer puis parfois
De les recoudre
Pour mieux vivre en société
N’être plus de la pègre
Qu’on nous laissent
Être multiples et uniques
Fluides et intègres
Que le soin soit un moyen politique
Qu’être soi, soit collectif.
On revendique
Que la crainte et la honte
Changent de camp
De ne pas rendre des comptes
Ni de M, ni de F
Sur nos papiers
Ni de haine, ni de flemme
A nous rencontrer, à nous aimer
On revendique
L’exaltation amoureuse
Autant qu’une émancipation rageuse.
On revendique
Pouvoir transmettre, se reproduire, éduquer
Créer les familles qui nous ressemblent
Des collectifs d’ami.e.s, d’amours, d’enfants
D’êtres sensibles et sentients.
Hier, on s’est fait une promesse
Vaille que vaille
Se retrouver le lendemain
Même heure
Au sommet de la montagne.
En avançant vers le Queerpuscule,
On espère des mutations.
Ton corps
Ton corps parle.
Te raconte des histoires sans mots
Recèle les oublis de ta mémoire
Ruisselle sans idées jusqu’à ton cerveau
C’est le flow cette chair comme exutoire
Ces récits de plasma qui palpitent
Pulsations d’un muscle moteur
Qui fait vibrer de plaisir et de peur
Ta pulpe jusqu’au fond de ta pépite.
​
C’est un vrai parlement ton corps
Il organise et débat les lois de ta survie
Entre chaque organe, abat qui au fond de toi luit
Il distribue à toute cette tribu
Oxygène et nutriment ni vu ni connu
Pour que tu puisses bouger,
Pour que tu puisses penser,
Penser,
Tu penses, ça oui
Et ton corps se demande encore
Quand penseras-tu à lui ?
Lui qui se fait trimballer du matin au soir
Occupé entre turbin et vivoir
Lui qui se fait trainer dans les couloirs du métro
Car faut bien remplir le frigo
Car faut bien donner du carburant
A celui qui, errant, te trimballe du matin au soir
Ereinté, entre turbin et vivoir
A celui qui, vivant, te traine dans le décor.
​
Alors.
​
Ton corps crie.
Il gronde des alertes vers une souhaitable sortie
Il suinte, gargouille et gémit
Le mal a dit tant de choses occulté par ton esprit
La maladie a tant de causes que l’on oublie
Serpent à sonnette dans le squelette,
Des tensions dans les genoux
Abnégation du je dans le nous,
Picotement le long des nerfs,
Des ulcères dans les viscères
Tellement le monde te rend véner
Ca se raidit dans ton cou
Mais faut bien tenir le coup
Y’a trop de choses à faire,
Y’a trop de choses à penser,
Pour avoir un cancer.
C’est un vrai champ de bataille ton corps
Il commande tout un tas d’armée militaire
Milite de tout son système immunitaire
Pour faire taire sans gènes l’attaque antigène
Il produit des armes chimiques à la chaîne
Endort tes douleurs pour les rendre sourdine,
De son labo, envoie des bombes d’endorphine
De dopamine, et tant d’autres molécules
Dont tu voudrais multiplier les émules
A coup de feux d’artifices dans ton ciel
Ton soleil deviendra peu à peu artificiel
Car faut bien arrêter de souffrir,
Car faut bien garder le sourire.
​
Alors.
​
Ton corps se calme.
Son cri devient un chant
Une puissante musique pour reprendre les devants
Pour réveiller de ses vibrations cet esprit qui se ment
Quand tu pousses sous le tapis tes sentiments
Cet esprit qui fait ce qu’il peut pour ne pas devenir fou
Car pour que ton mental tienne, c’est ton corps qui prend tout
Cette berceuse s’amplifie en chant révolutionnaire
Des messages migrent à travers cette frontière
Entre corps et esprit
Ils apportent des messages d’alliances
Pour que tu ne sois plus soumise
Pour que ton corps se parle,
Pour traduire ce que tu somatises
Pour que ton corps se pense
Autant que ton mental s’incarne
Entre corps et esprit
Union qui s’oppose avec hargne
A ces oppressions qui te brûle la panse
Alors tu penses, tu penses, tu penses que
Tu es la fusion
D’un esprit dans un corps,
D’un corps à garder à l’esprit
Alors tu penses, tu penses, tu penses que
Tu as la force
Même prise dans le décor
Même éprise par ton sort
Ecoute-toi et cris sur les toits.
Les enfants de la liberté
Les enfants de la liberté
N’ont pas toujours eu de bons parents
De la liberté, ils n’ont pas toujours été
Seuls ces enfants ont adopté leur maman.
Ils parent leurs casseroles en casques de protection
Portent dans leurs caboches leur dose d’imagination
Leurs lits suspendus aux racines de grands cèdres
Vacillent au grès des vents tournoyant de leurs rêves.
Les enfants de la liberté
N’ont pas toujours eus d’âge
Sur leurs visages, le regard neuf, cernes violettes
Sages comme des mirages, à la fois ainée et cadette.
L’éternité a aimé qu’elles naissent dans l’instant
Peut-être qu’elles n’ont jamais l’heure mais toujours le temps
Quand la peur les traverse, elles serrent souvent des dents
Gamines sans pudeur, elles mendient des cheveux blancs
Les enfants de la liberté
N’ont pas toujours eu une existence passionnante
Ils ont connu l’habitude assourdissante
Aujourd’hui, ils en extraient une musique dansante
Ce carburant de poésie dans leurs moteurs
Est composé du jus extrait de leurs cœurs
C’est comme oser défier les oppresseurs
Même à l’ouest, ne perdent jamais le nord.
Les enfants de la liberté
N’ont pas toujours été heureuses.
Elles s’en sont tirées en déliant leurs mains,
En défiant sans arrêt les tyrans du quotidien.
Elles pleurent de gratitude sur le fil de leur vie,
Soufflent, accrochées aux pistils de pissenlits,
Voguent ensemble pour réaliser leurs vœux
Leur vie : un terrain de jeux à prendre au sérieux.
Les enfants de la liberté éprouvent leurs vœux
Au lieu de les souffler sur des bouquets fumeux
Leur vie : un terrain de jeux à prendre au sérieux.
Les enfants de la liberté
Font de leur vie une œuvre d’art
Compositeurs de curiosité, sculptrices de situation
Avec leurs propres carapaces de cicatrices,
Elles sont devenues cascadeuses de la matrice.
Elles posent des questions sans donner de leçon.
Dessinent des flèches sur les portes de la perception.
Ils jouent avec les mots, se malaxent les joues
Et puis se nouent les méninges, jamais à genoux.
Les enfants de la liberté éprouvent leurs vœux
Au lieu de les souffler sur des bouquets fumeux
Leur vie : un terrain de jeux à prendre au sérieux.